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23 mars 2011 3 23 /03 /mars /2011 14:25

 

CE QUE LE JOUR DOIT A LA NUIT

Yasmina KHADRA

 

    Mohamed Moulessehoul est né en Algérie, le 10 janvier 1955. Mohamed Moulessehoul ? Effectivement plus connu sous son pseudonyme Yasmina Khadra, cet auteur engagé avait décidé de se dissimuler afin d'écrire "clandestinement". Il pouvait ainsi dissocier sa vie militaire de ses écrits et aborder avec plus de recul son thème récurrent: " l' intolérance".

Il a écrit de nombreuses oeuvres: les hirondelles de Kaboul ( présenté par Maïwen G. ), les sirènes de Bagdad.. Dont certaines récompensées, comme " L'Attentat ".

 

    On peut associer le titre de son livre à l'une des phrases qu'il contient " conquérir le jour même s'ils doivent d'abord passer par la nuit ". Ça pourrait évoquer, dans ce récit, le fait de devoir se battre pour pouvoir arriver jusqu'au "jour", la lumière, l'indépendance. Je suppose que " ce que le jour doit à la nuit " doit avoir plusieurs portées ou significations intéressantes et sensées.. mais c'est trop philosophique pour moi. Je ne parviens pas à déceler le rapport avec les thématiques du roman. Après, je vous l'accorde, ça sonne bien.

 

    L'organisation du récit se fait en lien avec la vie du personnage principal, Jonas( ou Younes ). Le roman est divisé en quatre parties qui correspondent, chacune, à un passage de la vie du protagoniste. Elles sont marquées d'évènements décisifs. La partie intitulée "Jenane Jato" conte son enfance, "Rio Salado", son adolescence, "Emilie " le commencement de sa vie d'adulte. Finalement, "Aix-en-provence (aujourd'hui) " clos le roman, on y retrouve Jonas octogénaire.

 

    Ce roman est  "une fresque émouvante" (Le Monde, 10.10.08). On suit l'histoire d'un enfant jusqu'à ses quatre-vingt ans. On perçoit l'approche différente qu'il entretient, au cours de sa vie, envers [à l'égard de] l'Algérie coloniale. D'abord dans les quartiers défavorisés de Jenane Jato, Younes survit, jour après jour, au sort difficile d'être "mal né". Arabe et affreusement pauvre, son père doit se résoudre à le confier à son frère, pharmacien. Ce dernier est torturé à [pendant] la seconde guerre mondiale parce qu'il est pacifiste engagé. Cet évènement les contraint à déménager à Rio Salado. Dans cette ville, Younes -renommé Jonas- rencontrera ses amis "pied-noirs" et Emilie. Emilie qu'il ne pourra chérir malgré l'amour qu'ils se portaient réciproquement.

C'est ici que débute réellement l'intrigue : l'horreur de l'amour.
Un amour interdit et l'amour de deux peuples pour une unique patrie. Un amour amer, qui désunit, déchire [un peu comme la nuit face au jour, en somme ...].

"Oran retenait son souffle en ce printemps 1962. La guerre engageait ses dernières folies. Je cherchais Emilie. J'avais peur pour elle. J'avais besoin d'elle."

 

    Ce livre aborde des thèmes tels que l'amour: « Si une femme t'aimait, et si tu avais la présence d'esprit de mesurer l'étendue de ce privilège, aucune divinité ne t'arriverait à la cheville ». Ce dernier, commun à tous les romans, est toutefois, ici, un peu différent que d'ordinaire. Le second thème à retenir et, de loin, le plus important : La guerre d'indépendance et ses ravages. Younes, qui ne peut se décider à "choisir son camp", y apporte [porte] un regard plus ou moins objectif. Ou du moins, il ne reconnaît ni ne soutient aucun parti. Considérant les arguments de chacun, il y trouve quelque fois des vérités.

On observe également d'autres thèmes très présents : l'identité, l'intolérance,  l'amitié -proéminente-, la trahison, la religion..

 

    Nous sommes principalement à Rio Salado, 50 km d'Oran. On situe la naissance de Jonas vers les années trente, son départ d'Oran vers la fin de la seconde guerre mondiale. Il sera un figurant de la guerre d'indépendance, 1954 à 1962. Une guerre abusive de chaque côté. Elle entraîne la chute de la quatrième république, Charles de Gaulle au pouvoir. Suit  " l'éxode des Pieds-noirs " cet à dire, le départ d'environ un million d'"Européens".

 

    Le personnage principal est Younes ou Jonas, fils d'un paysan dépossédé et par conséquent très pauvre, il a une soeur sourde muette et une mère qu'il ne reverra plus après son départ pour Rio Salado. Le fantôme de son père le hante parfois. Il a les yeux bleus, ce qui n'est pas vraiment courant pour un arabe. Sa "face d'ange" coïncide bien avec sa nature plutôt discrète. Loyal et fidèle, il respecte ses promesses. Il devient pharmacien sans que des quelconques études aient été annoncées. Il est tiraillé entre ses origines de paysan arabe et son nouveau monde de "pieds-noirs". Simple mais attachant, Jonas semble être le personnage idéal pour conter ce récit. Indécis, partagé. Il symbolise parfaitement les évènements de la guerre d'indépendance.

    Sinon, il reste énormément de personnages, avec, chacun, un rôle plutôt important. Par conséquent, je m'abstiendrai de les décrire.

 

    Ce roman appartient au réalisme puisqu'il décrit, sans artifice, l' Algérie coloniale et la guerre d'indépendance. Mieux, il le décrit à travers l'histoire d'un homme plus ou moins ordinaire, ce qui place l'Histoire comme en ambiance de fond [formulation maladroite]. Parce qu'au final, dans cette guerre sanglante, tous n'étaient pas "pieds-noirs tyranniques" ou "indigènes terroristes", beaucoup tentaient de continuer de vivre normalement.
La vision du monde semble plus ou moins objective mais cherche concrètement a dénoncé l'intolérance. Younes est pris entre deux feux. D'un coté, ses origines qui devraient le pousser à faire parti d'un front quelconque pour la libération de l'Algérie. D'un autre côté, son éducation, sa vie : bien aux antipodes d'une existence " habituelle " d'algériens à cette époque.

    Le style est envoûtant. Il est agréable de relire un cours passage juste pour sa beauté. C'est toujours très fluide, complété par de jolies métaphores.

" La vie est un train qui ne s'arrête à aucune gare. Ou on le prend en marche ou on le regarde passer sur le quai, et il n'est pire tragédie qu'une gare fantôme."

" Brave comme toujours, noble jusque dans le jet d'éponge, Fabrice garda le sourire bien que son coeur clopinât dans sa poitrine, aussi malheureux qu'un oiseau en cage."

 

    De ce livre, j'ai surtout apprécié la qualité d'écriture, la façon dont il mène son histoire. Les personnages sonnent vrai, l'histoire est belle.
    Dans le même temps, l'histoire m'agace. Entamer une hymne à la vie et la clore par la mort d'un protagoniste d'une belle histoire d'amour... C'est quoi cette obstination des auteurs à ne jamais nous faire lire ce qu'on a envie de lire ? Ils pensent être en dehors des sentiers battus en nous servant leurs histoires malheureuses, mais ils se répètent. Pourquoi s'y mettent-ils tous ? On a compris, on est limité et, généralement, on passe à côté de La chance de notre vie. Ici, du début à la fin, l'histoire d'amour " qui n'a jamais vraiment commencé" nous frustre. On attend la moindre promesse, rien qu'un baiser. Mais non. Tant pis.

    Il faut tout de même admettre que l'idée de prendre le point de vue de Jonas, ordinaire et pourtant atypique, est vraiment très bonne. La sincérité du récit est poignante, émouvante. Il apporte un nouveau témoignage en nous plongeant, différemment que par des faits énoncés, dans les entrailles d'une Algérie déchirée.

    On en retient surtout une nouvelle approche de l'Histoire algérienne ainsi qu'un "carpe diem" inévitable.     J'ai vraiment apprécier ce livre et le conseille vivement aux 2B.

 

Louise Le Fralliec

 

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commentaires

M
<br /> Tout à fait : je n'ai pas dit le contraire (et la note attribuée converge en ce sens).<br /> De même qu'il ne faut pas prendre mal ce que je dis ou écris : tous les auteurs disent que s'ils se sont mis à écrire, c'était parce qu'ils ne trouvaient pas dans les romans qu'ils lisaient LE<br /> roman qu'ils cherchaient.<br /> J'ai même commencé mon commentaire en signalant que tu avais des qualités certaines.<br /> Je t'encourage donc (réellement) à poursuivre !<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Très bien. Des qualités certaines en matière de critique littéraire (ce qui serait prometteur si, un jour, tu participais au Goncourt des Lycéens ...).<br /> Par contre, si les livres ne te satisfont pas, il n'y a plus qu'une solution : en écrire un toi même, pour montre à tout le monde comment il faudrait écrire !...<br /> <br /> <br />
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2
<br /> <br /> Il me semble, monsieur, qu'il s'agissait là de donner son avis. Ne pas savoir écrire ne m'empêchera certainement pas de râler parce que ce livre est dépimant.<br /> <br /> <br /> <br />